La Chambre de Mariana : Une Oeuvre Cinématographique Intense et Poignante

La Chambre de Mariana est un film dramatique réalisé par Emmanuel Finkiel, adapté du roman d'Aharon Appelfeld, Sorti en 2024, ce long-métrage franco-hongro-belgo-israélien plonge les spectateurs dans l'Ukraine de 1943, à travers les yeux d'un enfant caché dans une maison close pour échapper à la Shoah.

Avec un récit poignant et une réalisation immersive, La Chambre de Mariana s'impose comme un film incontournable de l'année.

 

Synopsis

L'histoire suit Hugo, un garçon juif de 12 ans, que sa mère confie à son amie d'enfance Mariana, une prostituée vivant dans un bordel en périphérie de la ville, Caché dans un placard de la chambre de Mariana, Hugo observe et perçoit le monde qui l'entoure à travers les bruits et les ombres qui traversent la cloison, Son existence est suspendue à cette cachette, où il découvre les réalités de la guerre, du désir et de la survie.

Au fil des jours, Hugo développe une relation complexe avec Mariana, oscillant entre attachement maternel et fascination pour cette femme énigmatique, La maison close devient un microcosme où il découvre les nuances de l’humanité, entre les soldats allemands qui fréquentent l'établissement et les autres femmes qui y travaillent, chacune ayant sa propre histoire et ses propres souffrances.

 

Une Réalisation Signée Emmanuel Finkiel

Emmanuel Finkiel, connu pour ses œuvres explorant la mémoire et l’histoire, signe ici un film profondément personnel, Il a déjà abordé la Shoah dans La Douleur (2017), mais La Chambre de Mariana va plus loin en mettant en scène un protagoniste directement exposé aux atrocités de la guerre.

Le réalisateur utilise un dispositif cinématographique innovant en jouant sur la privation de la vue, Hugo, caché, perçoit son environnement par des interstices, des sons et des fragments visuels, Cette approche immersive renforce l’angoisse et l’émotion du spectateur, qui partage l’expérience du jeune héros.

Le film joue aussi sur un contraste frappant entre l’enfermement et le monde extérieur, À travers la fenêtre de la chambre de Mariana, Hugo aperçoit la ville en ruines, les troupes en marche et la vie qui continue malgré la guerre, Cette opposition entre l’espace intime et l’horreur extérieure contribue à la tension dramatique du film.

 

Mélanie Thierry et Artem Kyryk : Un Duo Magistral

Dans le rôle de Mariana, Mélanie Thierry livre une prestation remarquable, Pour incarner cette femme ukrainienne, elle a suivi un entraînement intensif en langue ukrainienne pendant deux ans, lui permettant d’offrir une performance des plus authentiques, Son personnage est complexe, oscillant entre maternité, désir et survie.

Face à elle, le jeune Artem Kyryk incarne Hugo avec une justesse impressionnante, Son regard profond et sa capacité à transmettre l’émotion sans dialogue marquent durablement le spectateur, Son jeu subtil et intense apporte une grande force à cette histoire de résilience.

L’alchimie entre ces deux personnages est au cœur du récit, Hugo et Mariana tissent une relation qui défie les conventions sociales et les tabous, où l’attachement se mélange à la douleur et à l’espoir.

 

Une Histoire de Survie et de Résilience

Le film explore des thèmes universels tels que la survie, la mémoire et la découverte de soi, Hugo incarne l’innocence confrontée à l’horreur, tandis que Mariana devient à la fois une protectrice et une initiatrice.

Le récit met également en lumière la dualité entre Éros et Thanatos : la pulsion de vie et la menace omniprésente de la mort, À travers le prisme de la relation entre Hugo et Mariana, le film questionne la manière dont l’amour, même sous sa forme la plus inattendue, peut être un moteur de survie.

La progression d’Hugo, de la peur initiale à la compréhension progressive du monde qui l’entoure, est magnifiquement mise en scène, Chaque interaction qu’il a avec Mariana, chaque bruit capté depuis son placard, chaque regard échangé, contribue à sa transformation.

 

Un Esthétisme Marquant

Visuellement, La Chambre de Mariana adopte une approche naturaliste, Emmanuel Finkiel et son chef opérateur Alexis Kavyrchine utilisent des éclairages subtils et des cadres serrés pour traduire l’enfermement et l’angoisse du protagoniste, La palette de couleurs et la texture du film renforcent l’immersion dans une époque marquée par la peur et l’incertitude.

Les plans rapprochés sur les visages, les jeux d’ombre et de lumière, ainsi que les scènes tournées en quasi-obscurité, créent une atmosphère pesante qui colle parfaitement à l’intrigue.

 

Une Adaptation Fidèle et Audacieuse

Aharon Appelfeld, auteur du roman d’origine, a construit une œuvre largement inspirée de son propre vécu, Orphelin après la Shoah, il a survécu caché dans la forêt, où il a côtoyé des marginaux, notamment des prostituées.

Emmanuel Finkiel respecte l’essence du livre tout en y apportant sa propre sensibilité cinématographique, Il adapte avec délicatesse des scènes qui auraient pu être perçues comme trop crues, préférant la suggestion et le hors-champ à l’exposition directe.

L’un des moments les plus marquants du film est la scène de fin, où Mariana fait un dernier geste de protection envers Hugo avant que le destin ne les sépare, Une scène poignante qui conclut le film sur une note d’émotion brute.

 

Une Œuvre Engagée et Contemporaine

Le film, tourné initialement en Ukraine avant d’être relocalisé en Hongrie en raison de la guerre russo-ukrainienne, prend une résonance particulière dans le contexte actuel, En explorant une période sombre de l’histoire, il met aussi en lumière la complexité des conflits et leurs impacts sur les populations civiles.

À travers La Chambre de Mariana, Emmanuel Finkiel rappelle que l’Histoire est faite de récits individuels qui méritent d’être racontés, Il souligne la nécessité de préserver la mémoire et de continuer à questionner notre rapport au passé.

Conclusion

La Chambre de Mariana est un film puissant, à la croisée du drame historique et du conte initiatique, Par sa mise en scène audacieuse, son interprétation magistrale et sa profondeur narrative, il s’impose comme une œuvre marquante du cinéma contemporain.

Avec son message universel sur la résilience et la transmission, ce long-métrage mérite toute l’attention du public et des critiques, Il nous rappelle que, même dans les moments les plus sombres, l’humanité peut émerger sous des formes inattendues.